lahmajin

On raconte que les Arméniens, il y a trois cents ans de cela, seraient venus en Syrie et se seraient installés dans la grande ville d’Alep, au nord-ouest du pays, et donc non loin de la frontière turque. Ils auraient apporté avec eux leur culture, leur savoir-faire et, naturellement, leur gastronomie. Une réputation d’excellents boulangers les ayant précédés, on ne fut pas étonné de les voir ouvrir bientôt fournils et boutiques et commencer à faire connaître aux Syriens les pains conçus autrefois en Arménie.

La plupart étant originaires de Sassoun, comme David - le héros mythique des Arméniens - on les nomma tout naturellement sassouni. Il est alors manifeste que les boulangers arméniens contribuèrent au rayonnement gastronomique d’Alep. On ne leur doit d’ailleurs pas seulement le fameux iflâgiyûn, ou pain aux œufs, renommé d’abord pour le nombre d’épices dont ces boulangers sont parvenus à l’agrémenter (gingembre, poivre, anis, carvi, cumin, pavot, safran, etc). On cite aussi volontiers cette sorte de pizza arménienne et désormais syrienne qu’on nomme lahmajin et qu’il faut venir déguster à Alep de préférence à toute autre place dans le monde.

Sur une pâte levée plus ou moins épaisse, les sassouni répandent des morceaux d’agneau ou de bœuf hachés, auxquels sont ajoutés des oignons revenus avec force épices. Elle peut évidemment faire penser au sfiha, autre « pain à la viande » qu’on trouve au Liban et, plus largement, dans tout le Proche-Orient. Ou encore à la pizza à la viande hachée et à la tomate à laquelle on ajoute parfois des tranches de salami et de jambon, coupées en morceaux. Manière de dire que si les boulangères et les boulangers innovent, ils retombent aussi nécessairement sur quelques standards de la boulangerie universelle.